Des entretiens d’à peine une demi-heure, étalés sur cinq jours, et ouverts aux diplômés d’un bac +3 minimum : voilà comment, début juin, l’académie de Versailles, pourtant la plus importante de France avec plus de 1 million d’élèves, a organisé un « job dating » visant à recruter près de 2.000 contractuels pour la rentrée de septembre. Et à pallier la pénurie criante de candidats se présentant aux concours de l’Education nationale. Reconnaissons-le : ce n’est probablement pas avec ce type d’expédients que nos moutards regagneront des places au palmarès Timss, une référence en matière d’enseignement scientifique, qui les classait bons derniers, en 2019, parmi les 22 pays de l’Union européenne y participant.
Mais espérons surtout qu’un tel épisode ne remontera pas jusqu’aux oreilles de la Commission européenne… Car celle-ci, dans un document dévoilé fin mai où elle dispense, pays par pays, ses habituelles recommandations de saine gestion, était déjà tout près de nous mettre un zéro pointé ! C’est bien simple, depuis les conditions de travail des enseignants, à améliorer, jusqu’au risque, plus élevé, de soutenabilité de notre dette à moyen terme, en passant par un système de retraite jugé fragmenté, inéquitable et coûteux, ou encore un manque de formation généralisé des candidats à l’embauche, la France a presque tout faux ! Au point que, toujours selon ces experts européens, la croissance potentielle de notre pays pour les dix prochaines années ne s’établirait en réalité qu’à 1% par an en moyenne.
Il faut dire que, ces derniers temps, l’élève français n’a pas vraiment cherché à rassurer. C’est ainsi que le nouveau gouvernement sorti des urnes n’enverra à Bruxelles sa trajectoire budgétaire à cinq ans que début juillet, en principe… Un exercice d’ordinaire exécuté au printemps, mais qui avait été repoussé, à la demande d’Emmanuel Macron, pour cause d’élection présidentielle.
Les promesses de campagne du président réélu, justement, ont aussi tout pour inquiéter, à cause des nouvelles dépenses prévues pour lutter contre l’inflation et aider les ménages les plus modestes. « Il faudra voter ce plan, tout en s’assurant que cette politique macroéconomique ne diverge pas trop de celle de nos partenaires européens. C’est un peu la quadrature du cercle ! », résume Thomas Grjebine, économiste au Cepii.
Le problème, c’est justement que les premiers de la classe commencent, eux, à perdre patience. « Le nouveau gouvernement allemand est très réticent à laisser la France continuer à faire n’importe quoi, car cela crée une trop grosse distorsion de politiques économiques au sein de la zone euro », avertit Marc Touati, économiste et président du cabinet ACDEFI. La fin de la récréation serait donc pour bientôt. « Les Allemands ont clairement annoncé qu’ils attendraient l’issue des élections en France pour durcir la politique monétaire et remonter les taux d’intérêt. La pire erreur serait de croire que c’est Christine Lagarde qui dirige la BCE (Banque centrale européenne). Ce sont plutôt les Allemands », assure Christian Saint-Etienne, professeur émérite à la chaire d’économie industrielle au Cnam.
Certes, un dernier répit nous a bien été octroyé, puisque la clause de suspension du pacte de stabilité (les fameux plafonds de 3% de déficit et de 60% de dette), décidée lors de la crise du Covid, a été une fois de plus prolongée, cette fois jusqu’à fin 2023. Mais le ministre allemand des Finances Christian Lindner ne s’est pas privé d’indiquer que, plus de deux ans après le début de la pandémie, cette prorogation n’était pas « absolument nécessaire », et qu’il ne l’appliquerait pas à son propre pays. Par ailleurs, le lancement par Bruxelles contre la France d’une procédure pour déficit excessif n’est toujours pas exclu.
Bonjour l’ambiance… mais la France mérite-t-elle vraiment de collectionner ces bonnets d’âne ? Commençons par le déficit public. Alors qu’il avait plongé à 8,9% au plus fort de la crise du Covid, il devait, selon les prévisions gouvernementales établies en octobre dernier, avoisiner 5% pour 2022. Des projections qui ne tiennent évidemment pas compte de la crise ukrainienne, ni des promesses électorales. « Sur les bases de la Commission européenne, qui estimait ce déficit à 4,6% avant ces nouvelles dépenses, cela reste tout de même le huitième plus gros au niveau européen. Alors même que l’Allemagne ne prévoit que 2% de manque à gagner en 2023 ! », rappelle Eric Dor, directeur des études économiques et professeur à l’Ieseg School of Management de Paris et Lille.